Meringue de ciment

        J'ai déjà été honoré d'assister un pilote américain sur le décollage en ciment du Mont-St-Pierre. J'ai une manie, quand j'assiste à droite, de ramasser la corde de VG et de la ranger en spaghetti sur la zone de réunion des trois câbles inférieurs. Cela ne passe jamais inaperçu dans une situation de décollage adrénalisant comme celui-ci. Et effectivement, le pilote de me jeter un regard de porc frais, continuer son baratin de pré-décollage avec signal de "CLEAR" au lieu du "GO" qui pourrait être confondu à "NO" ou "So-So". Alors, tout en terminant son breefing, il décroche mon spaghetti et replace son câble de VG comme il était, traînant sur le tarmac. Il lève son aile, se place, appelle Claire Lavoie dans sa langue et s'élance dans une course musclée, peut-être un peu piqué de mon ingérence. "Piquer, c'est voler. " me dis-je, en constatant la bonne agressivité dont je suis toujours sans regret d'inspirer dans les courses de décollage.

Dernier pas sur la meringue

        Mais voilà que l'anse de cette fameuse corde se prend dans la meringue de ciment et qu'un caillou saillant, si pratique comme antidérapant, ancre maintenant cette jolie corde qui s'allonge et s'allonge en tendant au maximum cette merveilleuse géométrie variable, fleuron de la haute performance du vol libre. Mais pas encore libre ici, car l'athlète piaffe énergiquement un pas qui lui surcharge les épaules. Les roues de sûreté touchent maintenant le sol mais ne roulent pas. Le nez fléchit brusquement quand enfin le pic de meringue cède dans un toc qui vient se mêler au cloc-cloc des roues. Les observateurs eux sont muets, abasourdis par le spectacle subit. Ils n'ont encore rien vu. Le nez pique pendant que la barre de contrôle décolle subitement, emportant le passager ( j'allais dire le pilote) dans un parfait "tumbling". Oui, cul par dessus tête, et tête par dessus cul dans le précipice. Ce n'est pas tout car l'appareil curieusement chorégraphié et projeté avec tant d'énergie fonce cinétiquement et verticalement dans la zone d'ascendance plus intense. Quand, donc, le nez se prépare à repiquer, le pilote (oui, quel pilote! ) poussait frénétiquement sur ses montants. Réaction heureuse qui relance aussitôt le delta mais en un majestueux looping.

        C'est ici une description assez longue d'un événement, disons fabuleux, qui n'a duré que quelques instants dans ma tête. Le voilà encore inversé, réagissant instinctivement, comme s'il avait toujours fait cela, en tirant la barre. Il est déjà plus haut que l’aire décollage qu'il approche d'ailleurs de façon menaçante. Il plonge vers ses assistants qui se garent en se prosternant au sol. Il rase de nouveau la meringue. Les roues effleurent encore la pente abrupte, roulent un coup et enfin tout redevient à peu près normal. On voit la corde de VG flatter le ciment rugueux et flotter librement enfin.

        Au sommet, on se relève et on crie "WOW" et toutes sortes de patois sacrés. Autre chose inusitée par la suite, le visiteur du Sud choisit d'aller atterrir au champ officiel plutôt que d'aller risquer la vie des baigneurs sur la plage. Il nous attend et nous le rejoignons après un décollage plus discret et un vol pas mal non plus. Qu'est ce qu'il me dit, croyez-vous? « Duck, t'exagères un peu avec tes "tumblings" et tes loopings. Cela a fait juste toc quand la meringue a cédé dans ma loop de corde et failli me faire "tumbler" dans le robot culinaire. C'était quoi ta recette de spaghetti? » « J'en fais jamais un de pareil », que je lui réponds.

        Je me souviens d'un autre que j'avais cuisiné après qu'un gros noeud se soit bel et bien glissé entre deux planches d'une plate-forme en bois. J'avais eu alors un sourire immédiat même si, à cette époque, ma griffe était hésitante à passer le spag par en avant ou par en arrière des câbles. Je me souviens aussi d'une extra longue nouille australienne qui s'était allongée sous le pied du pilote en pleine course... Disons pour terminer que les anecdotes précédentes sont tout à fait véridiques avec un tout petit peu d'exagération pour la première. J'espère inciter didactiquement à un peu plus de précaution sur ce détail négligé de la corde de VG. Une négligence donne prise à la loi de Murphy qui postule que s'il y a une possibilité de catastrophe, elle finira par arriver. Il ne reste qu'à rendre cette catastrophe impossible. La recette est facile dans ce cas-ci et cela nous laisse l'esprit libre de veiller au reste de ce moment fantastique qu'est le décollage.

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        Une recette de MecFly pour le spaghetti de corde de VG traînante : un élastique ou bungee enroulé au bas du montant du trapèze.


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