Contenu d’impatience

        Sans préjudice pour ceux qui négocient leurs dons, il est, en recherche de l’amour, un don absolu. Chacun vit son humanité dans notre misère planétaire avec une adaptation particulière que je juge néanmoins à mesure que j’avance dans ma conscience comme dans un long voyage qui me déniaise lentement. Mais le ciel n’est pas une pute. Il ne se marchande pas. On aura beau agiter les quelques billets qu’on a, avoir sacrifié son avoir dans les écoles les plus onéreuses et se gréer des plus beaux atours de dacron, rien de matériel ne suffira sans une détermination amoureuse totale et abandonnée pour accomplir l’acte orgasmique de voler en libre. Ce jeu-là est très dangereux, ne serait-ce des jalousies suscitées quand on est impuissant à contenir sa puissance, quand sur le bord du précipice notre esprit est ravi avant même notre corps, quand notre piètre raison fond dans la jouissance libératrice imminente.

Sur la rampe de La Légende

        Ne vous laissez pas traiter de patient. C’est une flatterie mortelle qui vous guettera toujours si vous ne la rejetez pas comme une insulte. L’humain, foncièrement, n’est pas patient. Il est tellement opprimé par ses limitations terrestres qu’il ne désire rien de moins qu’un peu d’infini qui se pointe près de lui. Le ciel est là qui rôde en beauté grandiose, à distance calculée pour nous ravir totalement. Il ne négocie pas nos hormones financières. Il veut absolument tout, même porter en lui notre vie sans compromis. Il est aussi impatienté que nous de s’unir, de se libérer de notre amère séparation qui nous rend fous. Nous sommes faits pour voler autant que nager ou aimer. Marcher est une pénitence miraculeuse. Chaque pas patient est contre nature. Chaque pas impatient est un combat contre un danger furtif que notre conscience doit traquer sans cesse.

        Ainsi donc, j’ai observé sur les décollages, ces quais sur l’océan Atmosphérique, bien des aventures amoureuses de tout acabit. La frénésie du moment m’a fait perdre bien des échanges lumineux, mais je surveille toujours mes amis. Devant leurs déraisons d’ivresse impérieuse, je me surprend parfois à les aguicher de rester encore un peu sur la même planète et de ne pas s’engager sur le portail de la mort. Simplement parce que je les aime, que je veux encore voler avec eux, et plutôt qu’aller à pied à leurs funérailles, j’en viens à suggérer de retarder le mariage un tout petit peu. Ils sont impatients et je les comprends ; et je ne les traite pas de patience. Patience que je n’ai pas même si j’ai dû souvent endurer en silence cette insulte. Ce n’est rien comparé à ce qu’est d’endurer la promesse céleste. Elle ne se négocie pas. Vouloir l’acheter insulte le ciel de la même façon qu’on n’aime pas être soi-même bassement acheté. Le prix d’une telle méprise du souverain ciel est souterrain.

        Quand je replie alors mes ailes contrites d’un coït interrompu, quand mon esprit se remet à marcher, ce n’est pas avec patience. Car après le plus beau vol ou le plus laid non-vol, je plie toujours scrupuleusement pour le prochain vol dont les préparatifs ont dès lors commencé. Ainsi tout sera prêt, bien fignolé dans sa housse pour être déballé sans encombre afin de ne pas surexciter cette impatience qui ne me quitte jamais, qui m’anime autant qu’elle peut me perdre.

        L’impatience est le vent du ciel intérieur du pilote. Autant, pour sa sécurité, il doit apprendre à connaître et maîtriser la mystérieuse entité du vent extérieur, autant il doit reconnaître sa réelle condition psychologique et son vent intérieur. La patience correspond à un vent nul nocturne ; la colère, une tempête ; l’impatience sereine à un vent idéal ; l’inspiration, à une bulle convective issue d’un hasard de rêve. Planer se distingue de tomber parce qu’on avance au moins vers l’horizon. Avec le vent intérieur, les mêmes techniques planantes de pilotage s’appliquent avec l’aile qu’est notre esprit.

        Il n’y a pas de petit vol.


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